On alerte les député·e·s

Sur l'impulsion du Collectif IEF Lyon, les associations et collectifs de l'académie de Toulouse ont planché sur un courrier pour leurs député·e·s, sur la base du travail mis à dispo par Les Enfants d'Abord, Instruction En Famille au pied du mur.

Face à une législation étouffante et à une administration sourde à nos revendications, chaque structure a envoyé cette semaine à ses députés locaux le texte ci-dessous.

Si le cœur vous en dit, l'action est duplicable partout !

Nous sommes l’enfance qui se défend.

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Texte intégral

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Depuis deux ans, nous accompagnons les évolutions du droit commun en matière d’instruction en famille (IEF) à la suite de la promulgation de la loi 2021-1109 visant à conforter le respect des principes de la République.

En insérant dans le Code de l'Éducation une liste de quatre motifs légaux de dérogation à la scolarisation en établissement, l'article 49 de cette loi - largement amendé - devait garantir que seul « le séparatisme » serait ciblé ; il visait à « préciser une liberté » sans l’affaiblir, et au contraire en la confortant « parce que l’on la définit davantage », nous indiquait le ministre alors en responsabilités[^1]. L'esprit de cette nouveauté réglementaire a été rappelé le 5 avril 2023, devant le Parlement exerçant sa mission de contrôle de l'action gouvernementale : « [...] avec ce texte, il s’agissait d’identifier les élèves instruits en famille qui étaient entièrement sortis du système républicain. [...], ils ne représentaient que quelques dixièmes de pour cent des élèves bénéficiant de l’IEF, c’est-à-dire quelques dizaines ou centaines de personnes »[^2].

Pourtant, pour l’année scolaire 2023-2024, plus de 5 000 refus[^3] ont été opposés aux enfants primo-accédants, avec des disparités territoriales ahurissantes : bienheureux les petits Savoyards, dont les dossiers IEF aboutissent presque toujours favorablement[^4], car a contrario notre rectorat a défini le refus d'autorisation comme étant la norme. Les recours (RAPO et saisies du tribunal administratif) face aux refus “alégaux” restent inaccessibles à la majorité, au regard du temps et/ou des fonds à mobiliser. La mise en garde d'un des syndicats nationaux des inspecteurs d'académie est donc concrétisée : « on mesure la complexité formelle de la démarche attendue [...] un droit - qui était auparavant donné, sans distinction, à l’ensemble des parents, en vertu de la faculté qui leur était reconnue, en tant que tels, de choisir les modalités d’instruction de leurs enfants - devient une sorte de droit censitaire » (revue n° 37 du SIA).

Le rectorat toulousain dénie par ailleurs tout accompagnement aux enfants légalement instruits en famille :

Ces « possibles », que le législateur a souhaité inscrire dans la Loi, relevaient d'une connaissance fine du terrain.

Or - comme ont pu nous le confirmer les UDAF locales - le rectorat toulousain systématise d'une main les refus pour des demandes d'autorisations dûment présentées, et oriente de l'autre certains enfants vers l'IEF sans que leurs parents n'en aient formulé le souhait.

Non préparées et privées des étayages pédagogiques minimaux, comment ces familles pourraient-elles instruire à domicile dans le respect de l'intérêt supérieur de l’enfant, alors que les équipes pédagogiques professionnelles et pluridisciplinaires ne parviennent pas à satisfaire les besoins en établissement ?

De plus les lenteurs procédurales laisseront ces enfants errer de longues semaines dans un no man's land pédagogique. Nous avons une conscience aiguë des difficultés qui traversent l'école car, comme l'ont bien compris les sociologues, nous la connaissons. L’« école inclusive », le « choc des savoirs », les coupes budgétaires nous interrogent et nous inquiètent, comme tout parent[^8]. On pourrait, dans une autre temporalité, sonder le lien causal entre la dégradation de ce service public et la décision d'un nombre croissant de parents de construire une alternative qui satisfasse le droit à l'instruction de leurs enfants[^9].

Pendant les deux premières années de mise en place de la nouvelle réglementation, notre rectorat a lutté pied à pied contre les parents souhaitant instruire en famille dans le cadre légal ; les familles faisant des demandes pour la première fois ont essuyé les plâtres et elles ont été majoritairement déboutées. En repoussant ainsi hors cadre de nombreux projets d'IEF, le rectorat endosse la responsabilité de dégrader considérablement l'environnement éducatif initialement construit par les parents.

Jusqu'ici, seules quelques centaines de jeunes dans notre académie étaient concernés par le droit commun. Mais après une période transitoire de deux ans, ce sont désormais des milliers d'enfants qui relèvent du régime général, enfants dont les dispositifs IEF ont été évalués positivement depuis plusieurs années. Nous nous attendons en conséquence à une augmentation considérable des conflits avec l'administration si les services déconcentrés toulousains du ministère persistent à dévoyer le contrat démocratiquement construit.

Nous vous demandons donc d'exercer sans tarder votre mission de contrôle de l'action gouvernementale déployée localement en exigeant du Recteur Mostafa Fourar que soit respecté le droit de tout enfant à déroger à la scolarisation en établissement quand ses parents assument, en responsabilité, de construire une alternative éducative réglementaire. Nous comptons sur vos interventions, dès ce jour et tout au long de la période de dépôt des dossiers de demandes à IEF (début mars - fin mai) et inviterons chaque famille qui verrait son accès au droit entravé administrativement à vous solliciter personnellement.

Nous restons bien entendu à votre disposition pour de plus amples renseignements et une éventuelle rencontre.

En vous remerciant de votre lecture attentive et de votre implication, nous vous prions d'agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, l'expression de nos respectueuses salutations


Signataires

Liberté Éducative Ariège NonSc’Ô Toulouse IEF 46 Les Unschorrigibles NonSco’llectif Collectif IEF 65 Collectif IEF 82

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