Compte rendu de notre rencontre avec la DSDEN du Tarn le 5 octobre 2022
Il s’agit ici d’un compte rendu complémentaire de celui déjà publié par Libres Enfants du Tarn.
Préalable
Le rendez-vous conjoint avec Libres Enfants du Tarn n’était pas prévu. Le NonSco’llectif n’était pas informé de la date de rdv de l’association et avait publié dans la presse la date du rendez-vous obtenu. La surprise a été totale des deux côtés, et a entraîné l’absence de concertation et coordination préalable entre les deux groupes. Malgré tout, le rendez-vous s’est bien déroulé, et les approches différentes du NonSco’llectif et de Libres Enfants du Tarn se sont révélées plutôt complémentaires.
Étaient présent.e.s
Pour la DSDEN du Tarn :
- Mme Duprat, DASEN du Tarn
- M. Berjont, inspecteur de l’éducation nationale (IEN) référent IEF pour l’Aveyron, le Lot et le Tarn.
- M. Cantier, chef du service juridique de la DSDEN du Tarn
- M. Martin, IEN 1er degré de la circonscription de Castres
- Mme Caffin, cheffe de la Division de l'Action Educative et des élèves de la DSDEN du Tarn
- M. Galliot : secrétaire à la Division de l’Action Educative et des élèves en charge des dossiers Instruction en famille / CNED
Pour Libres enfants du Tarn une délégation de 3 membres ne souhaitant pas que leur identité soit publiée.
Pour le NonSco’llectif :
- M. Jalil Arfaoui, membre co-fondateur du collectif et parent instructeur
- M. Arnaud Raymond, membre co-fondateur du collectif et parent instructeur
- Mme Cécile Classeau, membre co-fondatrice du collectif et parent instructeur
Déroulement
L’entretien, rassemblant 3 représentant.e.s de chaque groupe, a duré 2 h 30. La première partie de ce rendez-vous a été menée par Libres Enfants du Tarn, pour aborder la problématique des contrôles académiques. Ce n’était pas l’objet de la demande d’audience du NonSco’llectif, donc nous nous sommes contentés d’écouter cette première discussion sans intervenir.
Après environ 50 minutes d’échanges sur la thématique des contrôles, est venu le cœur du sujet qui nous préoccupait : l’article 49 et son application dans le Tarn et dans l’académie de Toulouse. Ce volet de l’audience a duré un peu plus d’une heure trente. Le NonSco’llectif et Libres enfants du Tarn ont pris part conjointement aux échanges.
La réunion s’est déroulée sur un ton globalement cordial, avec une volonté exprimée de manière réitérée par Mme Duprat (DASEN) de s’exprimer en transparence et en confiance – tout en restant dans le cadre de ses fonctions.
Partie 1 – Les contrôles académiques
Nous vous engageons à lire le CR rédigé par Libres enfants du Tarn pour cette partie, dont nous vous livrons un rapide résumé ici.
Concernant les reproches de « désinformation » adressés à M. Galliot (présent à la réunion) lors d’appels de familles, Mme Duprat indique qu’elle encourage à ne pas aller dans une accusation qui pourrait amener des réponses. Elle ne va pas mettre à la vindicte un agent sur la base de déclarations. Elle indique répondre de la qualité réglementaire des réponses qui sont faites.
Y a-t-il une grille de lecture, une volonté d’harmoniser le déroulement des contrôles entre les circonscriptions ? LET souligne l’existence de disparités relevées par les familles.
Mme Duprat : Le cadre de référence est le socle commun. Les outils sont adaptés à l’âge des enfants et à chaque situation. Dans l’écrasante majorité des cas, les contrôles se passent très bien.
M. Berjont : Un travail a été engagé avec l’ensemble des IEN du département pour harmoniser et poser le cadre du contrôle de l’IEF. Ce cadre concerne le « avant », le « pendant » et le « après » le contrôle. Une réflexion va encore être menée cette année sur la rédaction des CR de contrôle
Les exercices proposés s’adaptent-ils aux pédagogies mises en place par les familles ?
M. Berjont : les outils d’évaluation sont élaborés par les conseillers pédagogiques et sont partagés. Ils sont donc communs à tout le département.
On ne prend pas le repère des structures scolaires, mais on fonctionne par repères d’âges, notamment pour ce qui concerne le français et les maths, « parce que ce sont des outils qui vont permettre aux enfants d’apprendre, de rester curieux, de s’ouvrir au monde ».
Ce qui est partagé, c'est aussi une attitude bienveillante. Le conseiller pédagogique est là pour guider, questionner, reformuler.
Mme Duprat : les contrôles sont portés par des personnes avec des personnalités. La difficulté de l’exercice est qu’on ne peut pas avoir un protocole strictement commun, avec les mêmes questions, la même durée, etc. Cela poserait un problème aussi. Précise qu’ils essaient à la fois de donner un cadre commun, mais aussi de s’adapter à la situation spécifique des enfants rencontrés.
Exemple d’une enfant de 3 ans ayant subi 50 minutes de contrôle.
Mme Duprat : 50 minutes, c’est long pour un enfant de 3 ans. Précise que les exercices sont conduits dans un esprit ouvert et positif. Il n’y a pas de jugement, pas de dogme. Les familles ayant fait ce choix de l’IEF sont respectées, et il ne s’agit pas d’avoir un avis négatif là-dessus.
Référence à un sondage sur le déroulement des contrôles. La moitié des familles ont eu l’impression de devoir défendre leurs droits.
Mme Duprat : « Que l’on puisse faire mieux, j’en conviens certainement ».
Les attendus de fin de cycle sont-ils un outil d’échange avec les familles ou bien un attendu sous peine de contrôle négatif ?
Mme Duprat : On mesure une dynamique de progrès de l’enfant, la manière dont les conseils donnés sont reçus pour s’améliorer. Un enfant qui ne progresse pas ou régresse, c’est une alerte. Exemple d’un enfant de 8 ans qui ne sait pas lire « C’est problématique ».
Quid de la séparation parents-enfants très largement encouragée parfois ?
Mme Duprat : Elle n’est pas obligatoire et les IEN le savent.
Partie 2 : Les chiffres
Note : Le NonSco’llectif avait fait parvenir des questions détaillées sur les chiffres en amont de ce rendez-vous. Les équipes de la DSDEN les avaient donc rassemblés et ont pu répondre à ces questions.
Combien d’enfants instruits en famille dans le Tarn ?
M. Galliot : 427 enfants instruits dans la famille cette année, dont 321 hors CNED réglementé et 106 au CNED réglementé. Cela correspond à une baisse d’environ 25% Par rapport à l’année dernière.
-
Dans le détail : 214 enfants pour le 1er degré ; 107 pour le 2d degré.
-
CNED réglementé : 14 enfants en 1er degré ; 92 enfants pour le 2d degré.
Précision : ces chiffres évoluent, avec de nouvelles demandent qui arrivent notamment pour motifs médicaux, et aussi beaucoup d’enfants qui sont rescolarisés malgré une autorisation.
Quel est le pourcentage de contrôles satisfaisants ?
M. Galliot : L’an dernier, 100% de contrôles satisfaisants. Moins d’une dizaine de premiers contrôles non satisfaisants ayant donné lieu à un second contrôle. Les seconds contrôles ont tous été satisfaisants. Aucune injonction de rescolarisation l’an dernier dans le Tarn.
Quand auront lieu les contrôles cette année ?
M. Galliot : pour le second degré, les contrôles vont débuter dès le retour des congés de la Toussaint, en particulier avec les familles qui « ne posent pas de problème ».
Quelle proportion d’autorisations accordées en fonction des motifs ?
M. Galliot : Essentiellement des autorisations de plein droit :
- Autorisations premières demandes : Une pour motif 1, 3 pour le motif 2, 3 pour le motif 3, et une pour le motif 4.
- Refus première demande : 7 refus pour le motif 1 ; aucun refus pour le motif 2 ; 9 refus pour le motif 3, et 31 refus pour le motif 4.
Partie 3 : la nouvelle loi / Focus Motif 4
Où est-ce écrit dans la loi que le motif 4 concerne des enfants qui ne peuvent pas être scolarisés ?
Mme Duprat : parle à plusieurs reprises de « situation particulière » au lien de situation propre. Elle dit : « La famille doit faire ressortir la situation particulière de l’enfant » ; « il faut faire la preuve que la situation particulière de l’enfant ne lui permet pas d’être scolarisé » ; « Ce motif 4 doit montrer qu’une scolarisation ne permet pas de répondre aux besoins propres d’un enfant ».
Mme Duprat souligne qu’ils n’interprètent pas la loi, mais fonctionnent sur la base de textes réglementaires. Que le décret d’application est ce sur quoi ils se basent. L’avis du conseil constitutionnel donnera peut-être lieu à un décret ou pas, mais n’est pas contraignant pour l’instant.
Note : la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel fait partie intégrante de la loi. Contrairement à ce que dit Mme Duprat, nous n’avons pas à attendre qu’un décret vienne « traduire » l’avis du CC. Il s’impose à tous les citoyens et administrations et a une valeur supérieure au décret, qui ne peut que préciser des éléments dans le cadre imposé par la loi et cette réserve d’interprétation …
Nous pointons la contradiction dans la réponse de Mme Duprat indiquant qu’elle n’interprète pas la loi, mais l’applique strictement, tout en citant un texte interne indiquant qu’il faut démontrer une impossibilité de scolariser, sans jamais pouvoir nous citer une phrase de la loi ou du décret d’application.
Il est compliqué de répondre que l’on n’interprète pas lorsque les actions ne peuvent pas être expliquées uniquement par le texte « brut ».
Mme Duprat confirme qu’elle « ne pense pas » avoir interprété la loi. Ils ont analysé les demandes au regard des motifs. Pour le motif 4, chaque situation enfant par enfant est analysée, sans réponse générique.
Quelle est la particularité du seul dossier accepté pour motif 4 ?
M. Galliot et Mme Duprat : Des éléments médicaux ont été fournis dans un second temps. Confirment qu’il s’agit donc plutôt d’un dossier qui correspond à un motif 1 (santé).
Y a-t-il eu dans le Tarn des motifs 4 acceptés sans aucune justification médicale ?
M. Galliot et Mme Duprat : Non.
Nous sommes donc face à 100% de refus pour motif 4 « vrai » dans le Tarn !
À quoi correspondrait pour vous un motif 4 qui passe ?
Mme Duprat : « Ce motif 4 fait explicitement la preuve que ce qui est proposé dans l’instruction en famille ne peut l’être à l’école, en lien avec le besoin particulier et la situation singulière de l’enfant ».
Devant l’insistance de Mme Duprat à utiliser les expressions « situation particulière » et « situation singulière » de l’enfant, nous intervenons pour rappeler que le texte voté est « situation propre », que cette terminologie est suffisamment importante pour avoir fait l’objet d’un amendement et que l’administration fait cette « erreur » tout à fait sciemment.
Nous indiquons que nous ne pouvons l’accepter et nous demandons solennellement à la délégation de bien vouloir utiliser strictement l’expression « situation propre ».
Quels critères ? À quoi cela correspondrait concrètement ? Nous familles souhaitons être traités équitablement et donc avoir accès aux critères d’appréciation de nos situations.
Mme Duprat et M. Berjont s’interrogent sur l’hypothétique manque d’équité dont nous les accuserions, puis nous demandent quels seraient « nos critères ».
Dans le décret, il faut démontrer la disponibilité du parent instructeur, il faut avoir le bac et présenter un projet éducatif se rapportant à la situation propre de l’enfant. Le Conseil Constitutionnel dit qu’il ne doit y avoir aucun autre critère que ceux-là.
Finalement Mme Duprat répond : « Sur le motif 4 on doit montrer que l’école ne peut pas répondre aux besoins de l’enfant et donc que l’IEF et seulement habilitée à répondre au projet. Le législateur a écrit cela. »
Nous sommes restés longtemps sur cette position en mettant au défi la délégation de nous indiquer le moindre texte du législateur indiquant cela.
M. Berjont reprend les refus pour motif 4 : Sur 31 refus dans le Tarn, 19 familles ont fait un RAPO. Sur ces 19 familles, 17 ont été déboutées, et 2 familles ont eu gain de cause, l’une suite au RAPO et l’autre suite à l’audience en référé au TA.
M. Galliot parle de 2 familles du Tarn qui seraient allées au TA. Cela ne correspond en rien à la réalité du terrain, puisque LET comme le NonSco’llectif a recensé bien plus de familles en cours de procédure au TA.
M. Galliot évoque aussi 3 refus d’IEF pour des enfants de plein droit.
M. Galliot précise que si des motifs ont été instaurés, ce n’est pas pour rien. Sinon cela ouvrirait le droit à 100% des familles.
Nous répondons que si un motif 4 a été créé, accompagné de propos très rassurant quant à la liberté des familles de choisir ce mode d’instruction, ce n’est pas pour rien.
Est-ce que votre grille de lecture a évolué ou va évoluer suite aux annonces du ministre de l’EN et du patron de la DGESCO qui ont évoqué une harmonisation, et parlé notamment des cas de fratries séparées ?
Mme Duprat : Tant que les textes ne changent pas, je ne bouge pas. Quand le texte évoluera, je suivrai le texte.
Le NonSco’llectif tente d’approfondir le sujet (citations de Brugnera, du Conseil constitutionnel, etc). Mais l’équipe de la DSDEN suggère de porter nos revendications à la Direction des Affaires juridiques (DAJ) du Ministère. « Tant que la DGESCO ne fait pas de circulaire d’adaptation de la loi, nous ne bougeons pas ». Elle précise que ce que nous pointons est bien sûr pointé par d’autres, et qu’elle ne considère pas nos questions comme illégitimes. Mais statutairement, elle ne peut aller au-delà de ce qu’elle a déjà dit.
Mme Duprat souligne qu’elle remontera toutes ces questions lors de sa prochaine réunion en « co-dir » avec le recteur.
Avez-vous eu la moindre directive, consigne, circulaire, vadémécum ou autre élément donné par le ministère ou par le rectorat quant à la manière dont il fallait appliquer cette loi ?
Mme Duprat : « Nous avons eu un temps de travail avec le recteur sur l’application de la loi ». Mais elle précise que « il n’y a pas eu de consigne du recteur nous disant de refuser le motif 4 ».
Note : Nous savons d’autres sources que c’est faux et que des consignes ont bien été données par la DGESCO sur cette interprétation très étroite (et fausse) de la loi.
Partie 4 : Questions sur les autres motifs et autres situations
Une famille NonSco qui voudrait tenter la rescolarisation perd-elle son autorisation ?
Mme Duprat : Oui, l’autorisation est perdue.
Lorsque les membres de LET lui rappellent que dans d’autres DSDEN, la réponse apportée est différente, Mme Duprat indique que ce n’est pas de son ressort.
Pour un motif 3 itinérance, attendez-vous un justificatif professionnel ?
Mme Duprat : Oui, généralement, mais ce n’est pas une « doctrine aveugle ». La DSDEN reçoit systématiquement les familles pour étudier les cas individuels.
Comment justifier de notre disponibilité pour le motif 4 ? Une déclaration sur l’honneur est-elle suffisante ?
Oui
Il est prévu une offre numérique et des outils innovants de suivi et de dialogue avec les familles prévus dans la loi, qu’en est-il ?
Mme Duprat : c’est en cours, mais on ne sait pas quand cela arrivera.
Comment ça va se passer pour les enfants souffrant de phobie scolaire ?
M. Cantier : la phobie scolaire peut être caractérisée par un pédopsychiatre. C’est un motif médical.
Qu’en est-il du harcèlement ? Peut-il y avoir une demande en cours d’année pour un enfant victime de harcèlement ?
Mme Duprat décrit l’existence d’un plan académique, départemental et national sur le harcèlement, avec un plan de formation de l’ensemble des acteurs. Met l’accent sur des situations qui parfois y ressemblent, mais n’en sont pas. Insiste sur le fait que les acteurs y sont très attentifs (il y a 3 référents harcèlement dans le département), et qu’il existe d’autres réponses à mettre en œuvre avant la déscolarisation.
Partie 5 : La suite des événements
Un certain nombre de familles ont décidé de ne pas se conformer à la loi. Soit en espérant que vous les oublierez, soit en disparaissant, soit en quittant le pays, soit en désobéissant de manière plus frontale. Comment allez-vous réagir vis-à-vis de ces familles ?
M. Cantier et Mme Duprat répondent que « nul n’est censé ignorer la loi », et que le code pénal prévoit des peines assez lourdes jusqu’à 6 mois de prison et 7500 euros d’amende. Ils précisent que les familles reçoivent d’abord un courrier rappelant le cadre légal, qu’ensuite des injonctions de scolarisation sont émises. Il y a deux types de familles : celles qui ne répondent pas aux courriers adressés, et celles qui informent en réponse qu’elles ont décidé de ne pas scolariser.
Une fois que les recours sont épuisés et que les familles ne scolarisent pas, ils sont dans l’obligation de signaler l’absence de scolarisation au procureur, « au titre de l’enfance en danger ». Une fois que le procureur est informé, l’affaire passe entre ses mains et c’est le ministère de la Justice qui appliquera la loi.
Ce signalement se fait dans le cadre de la nouvelle cellule d’évitement scolaire, dans laquelle siège aussi le procureur. Les informations sont aussi partagées avec le préfet qui est en charge de la sécurité du territoire, dans le cadre de la signalisation des « signaux faibles de radicalisation ».
Est-ce que vous comprenez le désarroi des familles ?
Mme Duprat : Je le perçois.
À titre personnel, quel est votre vision de l’instruction en famille ? Considérez-vous que l’IEF pose un problème ?
Mme Duprat : « Je suis fonctionnaire d’état, je n’ai pas d’avis personnel. »
En conclusion, les membres du NonSco’llectif indiquent à la délégation de la DSDEN « nous allons tout faire pour rendre la loi la plus inapplicable possible. Nous vous casserons les pieds au maximum. C’est de bonne guerre ! »
Ce compte rendu est rédigé d’après une prise de note lors de l’entretien, et n’est pas exhaustif
Mis à jour le