Déclaration de désobéissance civile

Jalil et Karène Arfaoui

Direction Départementale des Services de l’Éducation Nationale du Tarn 69 Av. Maréchal Foch 81013 Albi

A l’attention de Mme Marie-Claire Duprat, DASEN du Tarn (81)

Objet : Désobéissance civile

Copies à :

  • M. Philippe Bonnecarrère, sénateur du Tarn
  • M. Philippe Folliet, sénateur du Tarn
  • Mme Karen Erodi, députée du Tarn
  • M. Jean Terlier, député du Tarn
  • Mme Nicole Gandia, déléguée du Défenseur des droits dans le Tarn
  • M. Mostafa Fourar, Recteur de l’académie de Toulouse
  • M. Pap Ndiaye, Ministre de l’Education Nationale et de la jeunesse
  • Claire Hédon, Défenseure des droits
  • Association LED’A (Les enfants d’abord)
  • Fédération Félicia
  • Association Enfance Libre
  • Collectif NonSco’llectif

Albi, le 9 septembre 2022

Nous, Jalil et Karène Arfaoui, parents de Jade 8 ans et Nora 7 ans, annonçons aux autorités en vigueur notre refus d’obéir à l’article 49 de la loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

Nous entrons officiellement et publiquement en désobéissance civile à compter de ce jour.

Nous ne pouvons en effet pas accepter plus longtemps un régime d’autorisation liberticide, autoritaire, arbitraire, discriminant, et disproportionné.

De plus, la manière avec laquelle il a été proposé, médiatisé, adopté et mis en vigueur, constitue une atteinte grave à la démocratie, et une insulte à toutes les familles instruisant leurs enfants en famille.

Le tout dans le cadre d’une loi qui insulte tous les musulmans.

Sur notre contexte familial

Nous avons commencé à penser à l’instruction en famille à l’été 2020. Nous avions en effet apprécié les mois sans école avec nos filles, réalisant que nous appréciions le temps passé ensemble et le rythme de vie qui en découlait. Après s’être renseignés sur le sujet et avoir mûrement réfléchi notre projet, nous avons proposé à nos filles d’être instruites en famille il y a bientôt 2 ans. Nous avons dès le départ insisté sur le fait que la scolarisation restait à tout moment une option parfaitement valable. C’est ainsi qu’après une longue période d’échanges en famille, notre aînée Jade a choisi d’expérimenter l’instruction en famille, tandis que sa sœur Nora a exprimé son désir de faire son entrée au CP à l’école.

L’année de Jade s’est très bien déroulée. Notre démarche pédagogique s’appuie sur notre conviction que l’enfant apprend naturellement en permanence, tant que l’on cultive sa curiosité et son enthousiasme. Notre objectif premier a été d’entretenir sa curiosité, son enthousiasme et son envie d’apprendre. Ainsi, nous avons peu dirigé les apprentissages de Jade, tout en faisant de notre mieux pour les soutenir.

« L’enfant apprend spontanément, car apprendre fait partie de sa nature »

- Jean-Pierre Lepri, ancien Inspecteur de l’Éducation Nationale

Cette approche a été couronnée de succès puisque vos services l’ont évaluée positivement lors du contrôle pédagogique, en apportant la précision suivante :

« Projet familial réfléchi pour accompagner Jade dans son développement »

- Compte-rendu du contrôle pédagogique de Jade, Janvier 2022

L’entrée au CP de Nora s’est également très bien passée, et elle a toujours gardé cet entrain chaque matin. Elle apprécie son école, sa maîtresse et sa classe. Nous l’avons toujours soutenue dans sa démarche, et les appréciations de sa maîtresse nous ont confirmé que ses apprentissages se déroulent bien. Mais au sortir de l’hiver, Nora a cependant exprimé clairement et à plusieurs reprises son souhait d’être instruite en famille l’année suivante.

Nos métiers et notre organisation familiale nous donnent la chance d’avoir le temps et la disponibilité à consacrer pour pouvoir accorder cela à nos filles. Nous les accompagnerons vers le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, et nous les ouvrirons également vers d’autres horizons, toujours en suivant leurs intérêts et leurs curiosité, tout en étant force de proposition.

C’est ainsi que nous avons voulu suivre le nouveau parcours d’autorisation, très confiants que nous n’avions rien à craindre de cette loi, n’ayant rien à voir avec les séparatistes qui avaient été décrits par nos ministres et députés. Nous avons fait cette erreur de croire en leur sincérité.

Nous avons donc constitué une demande d’autorisation, pour motif 4 (tous les enfants ayant une situation propre, comme indiqué par Mme Brugnera) avec tous les justificatifs demandés dont un dossier pédagogique que nous avons détaillé : 30 pages.

Vous avez refusé notre demande d’autorisation, en 11 lignes, en invoquant un motif non prévu par la loi : la scolarisation à l’école ne vous apparaissait pas incompatible avec nos principes pédagogiques.

Certains que vous aviez mal compris les éléments fondamentaux d’une loi qui entre tout juste en application, nous avons donc rédigé un recours de 11 pages détaillant à la fois en quoi la scolarisation à l’école est incompatible avec nos principes (à commencer par le respect du choix de notre fille) mais surtout en quoi nous n’avions pas à démontrer d’incompatibilité. Le tout en s’appuyant très précisément sur des textes de loi et les déclarations du législateur.

Votre commission académique s’est réunie moins d’une semaine après, et a rejeté notre recours en 4 lignes cette fois-ci, en reprenant exactement le même motif sans répondre à aucune de nos objections.

Nous avons alors compris que votre intention n’était ni de respecter la loi, ni l’intérêt supérieur de notre enfant, mais simplement de suivre les consignes du ministère, ce dernier semblant être déterminé à ne laisser aucune liberté de choix aux parents.

C’est ainsi que nous avons passé l’été, dans le cadre du collectif «NonSco’llectif» que nous avons co-créé, a lutter administrativement et juridiquement pour faire valoir nos droits et ceux des autres familles. Nous avons été témoins des méthodes les plus infâmes.

Notre référé-suspension a été rejeté, mais nous espérons toujours que la justice saura reconnaître votre abus de pouvoir dans notre requête au fond.

Dans l’attente, il est hors de question de priver notre fille de cette liberté d’apprendre dans un cadre qui respecte ses choix, et qui lui laisse le temps de vivre, d’être, et de s’épanouir.

« Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. »

- Jean-Jaurès, Lettre aux instituteurs et institutrices, 1888

Nous refusons de sacrifier notre projet de vie sur l’autel de cette loi.

Sur le processus démocratique

Plus globalement, nous considérons que le processus à travers lequel cette loi a été votée constitue une atteinte inacceptable à la liberté et à la démocratie.

L’instruction en famille était soumise depuis 1998 à un régime de déclaration avec contrôle annuel par les services de l’Éducation nationale et tous les deux ans par la Mairie. Ce système fonctionnait très bien : 98% de contrôles positifs, 0,2% des enfants ont fait l’objet d’informations préoccupantes selon les chiffres du ministère …

Notre président E. Macron a déclaré le 2 octobre 2020 vouloir strictement limiter l’instruction en famille aux impératifs de santé, sous couvert de lutte contre le séparatisme religieux. Il contredit alors son ministre de l’éducation qui disait 3 mois plus tôt «Cette liberté d’instruction à domicile a un fondement constitutionnel puissant et qu’on ne peut que reconnaître et qui est, je pense, positif».

« La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société ».

- Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, article 5, 1789

Les associations de défense de l’instruction en famille ont demandé à plusieurs reprises à être consultées sur le sujet, mais le législateur a voulu agir seul.

Nombre de députés ont fait part de leur inquiétude quand à la suppression d’une liberté vieille de plus d’un siècle.

Devant ces inquiétudes, le législateur s’est voulu rassurant. Au lieu d’assumer les propos du président et l’intention du ministre, il a voulu nous faire croire que le texte ne visait que les familles les plus dangereuses :

Rappelons les propos du ministre de l’Éducation, J.M. Blanquer :

« L’instruction en famille n’est pas mise en procès dans ce texte. C’est une liberté, qu’il convient de préciser pour lui donner une assise plus solide. […] Notre objectif n’est pas de la supprimer. […]. Nous visons l’instruction en famille dévoyée, qui sert le séparatisme. Nous serions en tort de ne pas distinguer la bonne et la mauvaise instruction en famille. […] Les familles qui ont choisi l’instruction en famille pour de bonnes raisons n’ont rien à craindre de cette loi et ne devraient pas perdre leur énergie pour rien. En revanche, ceux qui développent des structures clandestines ont tout à en craindre. »

- Jean-Michel Blanquer, devant le Sénat, séance du 6 avril 2021

Il précisait également :

« Je le répète : l’instruction en famille est l’une des quatre façons d’instruire les enfants en France. Jamais nous n’avons entendu la supprimer. (…) Jamais je n’ai dit qu’il fallait supprimer l’instruction en famille. (…) Je le répète une dernière fois : l’instruction en famille n’est nullement mise en cause. Le régime d’autorisation protège les libertés des familles et les droits des enfants, dont Mme Rossignol a justement parlé. »

- Jean-Michel Blanquer, devant le Sénat, séance du 6 avril 2021

Il est également important de rappeler les déclaration de la rapporteure du projet de loi :

« Tous les parents qui pratiquent l’instruction en famille dans des conditions satisfaisantes le font pour leur enfant. Ils n’ont pas besoin de motiver leur décision, qu’ils justifient simplement par un motif de convenance personnelle, mais s’ils ont choisi l’instruction en famille, c’est bien pour leur enfant ! Il suffit de discuter avec ces parents pour constater à quel point ils ont adapté leur projet éducatif à leur enfant. […] Le quatrième motif inclut donc les dimensions auxquelles vous êtes attachés. L’instruction en famille part de l’enfant, mais s’appuie naturellement sur le projet pédagogique […]. Tout enfant est particulier. »

- Anne Brugnera, rapporteure lors de la séance du jeudi 11 février 2021 à l’Assemblée Nationale, 3ᵉ séance, session ordinaire de 2020-2021, XVe législature, débattant les amendements relatifs à la loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République

Elle a d’ailleurs précisé que :

« L’amendement n°2408 propose une nouvelle rédaction du quatrième motif autorisant l’instruction en famille pour préciser qu’il est satisfaisant dès lors que le projet éducatif participe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il me semble satisfaisant par la rédaction actuelle de l’article, qui prévoit que l’autorisation ne peut être accordée […] sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu'il existe une situation propre à l’enfant. »

Et a confirmé que :

« Les familles souhaitant utiliser une méthode pédagogique que les établissements de leur académie n’offrent pas peuvent invoquer le quatrième motif pour en demander l’autorisation (…) en le précisant dans le projet éducatif. »

Quant à la procédure d’autorisation en elle-même, la rapporteure précisait :

« Nous avons déjà longuement discuté depuis ce matin de la question de la liberté du choix de l’enseignement – entre l’école publique, l’école privée et l’instruction en famille – et du dispositif d’autorisation préalable, à savoir une vérification, réduite au minimum, des motivations et des capacités des personnes souhaitant instruire leur enfant en famille. Cette autorisation sera bien suivie d’un contrôle, dont on ne peut pas dire qu’il soit négligeable, puisqu’il comporte un contrôle pédagogique annuel et un contrôle de la mairie tous les deux ans, ce qui est tout de même significatif. »

Et en particulier sur le motif 4, elle insistait :

« l’essentiel pour les familles est de garder la possibilité d’opter pour l’instruction en famille si elles la jugent bénéfique à leur enfant. Mais c’est précisément l’objectif du quatrième motif ! Le fait qu’elles jugent cette solution bénéfique, c’est bien ce qui motive leur demande d’autorisation, comme le prévoit le quatrième motif ; elles devront ensuite l’étayer dans leur projet éducatif, qui détaillera ce que vous appelez leurs « convictions pédagogiques ». Votre amendement est donc pleinement satisfait par la rédaction actuelle de l’article, même si les mots utilisés ne sont pas les mêmes. »

Aussi, lors de cette même séance, un avis favorable était donné à l’amendement n°2590

soutenu par Mme Caroline Janvier indiquant que

« […] précision qui me semble importante pour éviter que la loi ne laisse entendre qu’en cas de proximité avec un établissement scolaire privé, la famille n’aurait d’autre choix que de scolariser son enfant dans l’enseignement privé plutôt que de recourir à l’instruction en famille, que ce soit pour des raisons financières […] »

Et bien d’autres déclarations encore …

Suite à cela, les rapports de la DGESCO 2016-2017 et 2018-2019 rendus publics, suite à la procédure CADA des associations de défense de l’IEF en septembre 2021, mettent en évidence qu’aucun risque de dérive sectaire ou de radicalisme ne peut être imputable à la pratique de l’IEF. Seuls 0,2% des enfants ainsi instruits ont fait l’objet d’informations préoccupantes. Aucun risque sectaire identifié, aucune radicalisation, aucun fantôme de la république.

Mais bien sûr, ces seuls chiffres du gouvernement n’ont été rendus publics qu’une fois la loi définitivement adoptée.

Aujourd’hui, nous pouvons le dire à la lumière de son application : la promulgation de cette loi semble donc reposer sur des mensonges éhontés.

Le législateur n’a pas mis à disposition les éléments factuels, qualitatifs et quantitatifs, permettant d’affirmer que les familles pratiquant l’instruction en famille présentent un plus grand danger de séparatisme que celles confiant leurs enfants à une école privée ou publique.

Il n’a pas non plus montré en quoi l’instauration de ce régime d’autorisation répond au problème. Par exemple, en quoi est-ce que le diplôme des parents a un rapport avec un risque séparatiste.

Pire : une loi censée lutter contre le séparatisme a pour conséquence de générer une certaine forme de séparatisme (ni religieux ni sectaire, mais d’ordre politique) : Certaines familles ont en effet ouvertement déclaré avoir décidé de quitter le pays pour préserver cette liberté d’instruction. D’autres, comme nous, annoncent entrer en désobéissance civile. Non seulement la question du séparatisme n’a aucune chance d’être résolue, mais en plus elle risque de s’accentuer.

Et nous lisons à présent que le directeur académique d’Ariège est « rassuré » de la diminution des requêtes et déclare à La Dépêche :

« Cela veut peut-être dire que la loi est efficace. Nous sommes d’accord avec le recours à l’IEF mais il doit être justifié.»

- Laurent Fichet, directeur académique des services de l’éducation nationale en Ariège, le 31 août 2022 à La Dépêche.

Mais le législateur n’a pas affiché comme objectif la baisse du nombre d’enfants en IEF !

Et pendant ce temps, notre ministre continue d’affirmer que le gouvernement ne veut pas la fin de l’instruction en famille.

Et les récentes déclarations sont bien différentes de celles que nous avons entendues quand ils s’agissait de faire voter la loi :

« Par exemple, certains parents précisaient que leur enfant était lent. Or l’école s’adapte, ce n’est pas une justification suffisante. »

- Laurent Fichet, directeur académique des services de l’éducation nationale en Ariège, le 31 août 2022 à La Dépêche.

« Simplement, certaines demandes relevaient du motif 4, c’est-à-dire un projet lié à la situation particulière de l’enfant, là nous avons une forte demande pour des enfants âgés de 3 ans. On voit bien que pour certaines familles, ça peut être un levier pour éviter l’obligation de scolarité à 3 ans et nous sommes là pour appliquer la loi. »

- Mostafa Fourar, recteur de l’académie de Toulouse, à France Bleu le 1er septembre 2022

« Je me suis assuré que c'est toujours l'intérêt supérieur de l'enfant qui a primé dans les décisions. Certains peuvent dire que la loi est sévère, mais on a appliqué la loi. Dans les refus, la plupart portaient sur des parents dont les enfants sont nés en 2019 et qui refusent l'obligation de scolarisation à 3 ans. »

- Mostafa Fourar, recteur de l’académie de Toulouse, à Actu.fr le 2 septembre 2022.

« l'école à la maison est possible, mais c'est une procédure évidemment encadrée, la norme c'est la scolarisation des enfants à partir de 3 ans »

- Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale, matinale de France Bleu le 2 septembre 2022

« Pour le motif 4, il faut arriver avec un argument valable, par exemple un enfant qui éprouve un mal-être à l’école. Cela prouve qu’il y a eu tentative de scolarisation et pas un évitement »

- Mostafa Fourar, recteur de l’académie de Toulouse, à La Dépêche le 7 septembre 2022.

Où est passé le séparatisme ?

Nous voyons bien là le double-jeu du pouvoir.

Pour finir, Laurent Fichet a déclaré à La Dépêche « Pas tout le temps, a-t-il nuancé, mais des familles ont tendance à avoir une attitude en marge de la République, ont un manque de confiance envers l’État et l’école. ».

Faut-il s’étonner ?

Le ministre Pap Ndiaye a récemment déclaré « L'école à la maison est possible, avec bien entendu des critères qui doivent être respectés » en réponse à la manifestation qui s’est tenue à Albi. Cela sous-entend que les demandes qui ont été refusées ne répondaient pas aux critères ? On passe donc de 2% de contrôles problématique à 90% des demandes refusées ?

Au final, en refusant toutes les demandes pour des enfants scolarisables, ou en se félicitant de la baisse des demandes, l’administration va à l’encontre des déclarations et des intentions affichées par le législateur.

Cette loi est un échec sur toute la ligne, si l’on s’en tient à la volonté affichée par le législateur.

Nous refusons de sacrifier nos choix de vie aux exigences illégales d’un état qui nous manipule.

Sur l’intelligibilité et l’accessibilité de la loi

Ni le législateur, ni la DSDEN, ni le rectorat, ni le ministère, ni le gouvernement, n’ont été en mesure de fournir une liste de critères précis permettant d’apprécier objectivement les dossiers en motif 4, malgré la réserve du Conseil constitutionnel.

L’administration utilise des motifs de refus qui ne correspondent ni au texte et à l’esprit de la loi. Elle porte de plus des jugements sur les motivations et les projets des familles comme le montre le récent entretien de La Dépêche avec le DASEN d’Ariège. De plus, après l'avoir éprouvé, nous constatons une incohérence et une interprétation abusive allant même à l'encontre de la réserve du Conseil constitutionnel.

Elle a donc outrepassé ses pouvoirs et fait preuve de maltraitance administrative.

Il découle de tout cela un arbitraire et de fortes discriminations : discriminations entre académies, discriminations entre familles qui peuvent financer ou non un recours au tribunal, discriminations suivant le juge qui intervient.

Même notre nouveau ministre de l’Éducation nationale, M. Pap NDiaye, reconnaît de grandes disparités entre académies :

« Il y a des écarts très forts entre académies et départements quant aux réponses qui sont fournies. Dans certains départements, c’est un non qui est très massif, dans d’autres départements, les services académiques fournissent des réponses plus ouvertes ».

- Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale, en Commission des affaires culturelles et de l’éducation , 2 août 2022

« Non, il n'y a pas de quota, mais il y a des variations, il y a des académies plus ou moins raides sur le sujet, il faut donc encadrer tout cela et puis apporter des réponses raisonnables aux familles. L'école à la maison est possible, avec bien entendu des critères qui doivent être respectés »

- Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale, en matinale de France Bleu le 2 septembre 2022

Comment une loi qui permet une telle disparité peut-elle être compatible avec un état de droit ?

C’est ainsi que nous avons vu tout l’été une loterie judiciaire succéder à la loterie administrative.

Nous apprenons même que des familles qui ont échoué tout l’été y compris au tribunal, arrivent à obtenir finalement une autorisation par pression de député … est-ce cela l’égalité des citoyens devant la loi ?

Même le juge Arnaud Mony a déclaré, lors de notre audience du 10 août :

« Le législateur serait bien inspiré de clarifier son texte »

Nul n’est sensé ignorer la loi, mais chacun doit pouvoir la comprendre. C’est le principe d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle.

Nous refusons d’appliquer une loi et une décision que nous ne comprenons pas et que personne ne sait justifier.

Sur le contexte social

De plus, nous observons les grandes difficultés dans lesquelles le gouvernement a plongé l’Éducation nationale : milliers d’enseignants manquants et autres manques de moyens, entraînant des classes surchargées, nous estimons contre-productif d'y intégrer des enfants, parfaitement instruits autrement, qui ne souhaitent pas y aller.

Le problème actuel de l’Éducation nationale n’est pas de manquer d’élèves.

Nous soutenons toutes les revendications des enseignants du public, maltraités par leur administration, et souhaitons une révolution en profondeur de ce service public, ce qui le rendra au passage bien plus attractif pour les enseignants comme pour les élèves. Mais le rendre obligatoire n’est pas la solution.

Nous refusons d’être les faire-valoir d’une école qui a été soigneusement détruite par nos gouvernants.

Sur la liberté d’instruction

Si l’instruction est un devoir parental, il appartient aux parents d’en choisir les modalités.

L’État n’a pas à se substituer à ce choix.

Les différentes déclarations des droits humains et des enfants sont très claires à ce sujet :

« Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants »

- Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948

« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques »

- Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, article 2

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. »

- Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, article 9

« Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. »

- Convention internationale des droits de l’enfant, 1989, Article 12-1

« La liberté de créer des établissements d’enseignement dans le respect des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. »

- Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, Article 14-3, 2002

« 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité.

2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. »

- Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, Article 24, 2002

« Des gouvernements […] invoquent parfois indûment le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant pour justifier des mesures qui, en réalité, portent atteinte à ses droits […] Ces mesures procèdent toutes, non d’un souci véritable de l’intérêt de l’enfant, mais d’une condescendance extrême […] Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ne saurait être invoqué pour justifier une violation de ses droits. »

- Commissaire aux droits de l’Homme, Monsieur Thomas Hammarberg

Même les manuels scolaires ont réaffirmé ces principes fondamentaux :

« Les citoyens doivent pouvoir éduquer leurs propres enfants comme ils veulent, parce qu’ils en sont responsables et que la transmission éducative est à leur charge. C’est la liberté d’enseignement. Un gouvernement qui embrigade les enfants dans des écoles ou des groupes de jeunesse obligatoires est une dictature. »

- Manuel d’instruction civique et morale, CM1-CM2, La Librairie des Écoles

« Il n’y a aucune raison de nous interdire ce que nous sommes capables de faire, à condition que cela ne nuise pas aux autres, ni à l’intérêt général. Si un gouvernement le fait, il est “oppresseur”. Or, c’est un droit de l’homme de résister à l’oppression. »

- Manuel d’instruction civique et morale, CM1-CM2, La Librairie des Écoles

Et l’histoire nous apprend à nous méfier dès lors qu’un état veut restreindre une liberté.

D’ailleurs, Jules Ferry, avant d’être le fondateur de l’instruction obligatoire, a été le maire de Paris qui a réprimé dans le sang les insurgés de la Commune de Paris.

Il est de toute façon dangereux de donner à tous nos enfants un unique son de cloche et une seule façon de penser.

Ainsi, nous nous opposons à l’uniformisation des méthodes, à la monoculture éducative, et nous inscrivons dans une biodiversité éducative à l’école comme en dehors.

Nous refusons d’être privés de nos droits les plus fondamentaux

* * *

C’est aussi l’une de nos convictions éducatives : montrer l’exemple. Montrer que l’on ne doit pas se soumettre en tout circonstance. Montrer qu’il est de notre devoir de désobéir aux lois injustes. Cet été à été l’occasion de beaucoup d’instruction civique envers nos filles, et nous a permis d’introduire la différence entre légalité et légitimité.

Nous vous informons ainsi de notre démarche publique et officielle d’entrer en désobéissance civile* pour défendre ce droit fondamental à la liberté éducative.

« Chacun a la responsabilité morale de désobéir aux lois injustes »

- Martin Luther-King

« Il est plus désirable de cultiver le respect du bien que le respect de la loi. »

- Henri David Thoreau

Nous vous faisons ainsi part de notre décision de:

  • instruire nos deux filles Jade et Nora hors-école
  • ne plus nous soumettre à aucun contrôle pédagogique tant que l’article 49 n’a pas été abrogé
  • ne plus déposer de demande d’autorisation pour exercer cette liberté

Nous affirmons et assumons en toute transparence cet acte d’insoumission auprès de l’inspection académique de l’éducation Nationale.

Recevez nos salutations sincères et respectueuses.

Jalil et Karène Arfaoui

(*): Désobéissance civile, Définition de John Rawls : La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. En agissant ainsi, on s’adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres libres et égaux ne sont pas actuellement respectés. (Théorie de la justice, trad. Français de C. Audard, Paris, Seuil, 1987, p. 405)

Envoyé le 9 septembre 2022